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Spoiler:

Stockholm n'était plus qu'un souvenir, une ombre fumeuse, un flash lumineux dans un esprit confus. Ou du moins l'avait-elle espéré, toutes ces années passées loin de la ville.
Synna, postée au milieu du couloir étroit que formait maintes étagères où étaient archivés de vieux dossiers, au-dessous de la lueur vacillante d'un néon fatigué, observait avec attention la courbe disgracieuse de lettres griffonnées à la hâte, comme si leur auteur avait voulu se délivrer au plus vite de quelque poids trop lourd. Elle déchiffrait péniblement le sens édifié par le confus gribouillage, mais ce qui lui parvenait ne lui semblait issu que d'une procédure obsolète, remplacée il y a bien longtemps par la sainte modernité. Dans un sens, cela la rassurait. Personne n'en saurait trop, et c'était mieux ainsi.
Elle se saisit de sa sacoche qui traînait un peu plus loin, le visage soudainement fermé par la contrariété. Il était improbable qu'un pauvre petit commissariat d'un village perdu des États-Unis soit délibérément entré en possession d'un tel dossier. D'une chose aussi compromettante que plusieurs feuillets reliés entre eux. Quelqu'un avait voulu la mettre en difficulté, songea-t-elle en glissant le dossier dans son sac. Il fallait détruire la preuve, non sans avoir étudier précisément ce qu'elle renfermait, et qui avait bien pu lire son contenu.
Elle referma soigneusement la porte des archives, rangeant la clef de la porte dans un tiroir de son bureau. Elle éteignit une à une les lumières du commissariat, désormais seule âme égarée qui errait en ces lieux et s'éloigna sans se retourner.

Wynter était tombé sur la petite commune endormie sous le ciel étoilé. La neige tombait, recouvrant le bitume sombre de son manteau immaculé. Les vampires gâcheraient probablement sa perfection lumineuse à la clarté lunaire, se dit-elle. Forme solitaire et sombre qui se dessinait sur le parterre blanc. Trop connue, trop respectée des forces obscures qu'elle était, Synna ne risquait rien ; ni le jour ni même la nuit elle ne rencontrait de menace. Elle était simplement trop rusée pour être atteinte et son nom circulait dans les tréfonds de la société dangereuse qui s'était éveillée à Sunnydale.
Elle pourrait donc songer, seule et tranquille, à ce fameux dossier. Elle laissait son crâne se remplir peu à peu de ces souvenirs depuis longtemps oubliés, enfouis sous un monticule de cendres et de corps inanimés. L'oubli. Frère de la facilité.

Avant, en 1842, à la tête de la mairie de Stockholm, il y avait un prêtre. Un saint homme d'église, une créature auréolée de pouvoir qui mettait une détermination effrayante à faire respecter des règles des plus strictes. Ainsi s'établit un ordre scrupuleux, dont il était le chef incontesté, où se cumulaient décrets moyenâgeux en cette ère pourtant si avancée. Mais cet homme, au delà de son apparence d'homme preux, d'homme saint, était avant tout un homme de chair qui croisa le chemin d'une femme.
Une espèce de souillon, de Cosette qui arpentait peureusement les austères ruelles, dont la pierre glaciale faisait rougir ses pieds nus. Elle était pathétique, perdue et seule au milieu de la grande cité. Toujours est-il que cette créature pécheresse retint son attention. Il ne savait rien d'elle, rien de ces grands yeux verts qui s'écarquillaient de stupeur et dont la lueur fatiguait, usée par le froid et l'errance. Il s'enticha malencontreusement, comme sous l'effet d'un vil filtre d'amour, de Synnöve.
Passion malfaisante, dérangeante pour l'homme vieux et libidineux qu'il était, et dont les regards de vautour qu'il lançait à la fraîche demoiselle le poussait peu à peu à la destruction. Il la choya, la nourrit, l'habilla, l'instruit, assouvissant par-là même ses pulsions macabres auxquelles elle s'abandonnait, démunie qu'elle était.
Puis le temps mena le vénérable ponte à la mort.
Voilà ce que les esprits les plus crédules se contentèrent de voir, voilà l'aspect officiel que prirent les choses.

Le temps prit la forme de huit années.

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