Demon and a Angel With Black Horns (attention, as hot as shit)

Une brise légère souleva les boucles jeunes de la jeune femme, tandis que celle-ci prenait une longue inspiration. Le soleil se couchait, et la ville était étrangement calme. Pas de hurlements. Pas de cadavres jonchant le sol. Juste le silence, épais et opaque, qui englobait les bâtiments et le corps de poupée de la démone. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, tandis qu'une bourrasque plus forte la faisait frémir. Elle ne s'était pas vêtue chaudement ce soir-là. Mais quelle importance ? Le temps n'avait pas plus d'influence sur elle que la température. Sa structure de diamant amortissait tout. Pourtant, ces derniers temps, elle commençait à se sentir plus faible. Le froid et le chaud prenaient un sens. Elle devenait humaine, lentement mais sûrement. La malédiction dont elle était victime émoussait sa nature démoniaque. Elle était demie-démone. Et en ces temps difficiles, c'était le "demi" qui lui faisait défaut. Néanmoins, il était toujours quasiment impossible de lui faire du mal. Elle n'en restait pas moins la femme de diamant. Coriace. De moins en moins invincible, peut-être, mais une batte de baseball ne risquait pas de venir à bout d'elle. Ni un simple revolver. C'était sur cette pensée qui se voulait la plus rassurante possible que la jeune femme avançait lentement dans la ville californienne. Elle s'était installée à Sunnydale depuis quelques années déjà, et elle s'y sentait bien. Si on excluait les très nombreux démons en tout genre qui parcouraient la ville en permanence, à la recherche d'âmes ou de sang frais, bien évidemment.

Lentement, Zippora tenta de remettre en place ses cheveux, de les caler derrière son oreille. En vain ; le vent s'en saisit à nouveau, immédiatement, les envoyant voleter tout autour de son visage fin aux traits délicats. Elle était bien. Seule. Au milieu d'un silence agréable. Il n'y avait plus personne sur la plage d'ailleurs. L'heure idéale pour s'y promener. Et de toute manière, si par malheur elle croisait un vampire qui aurait été pris de l'envie de lui pomper le sang, elle avait le numéro d'un excellent dentiste dans son carnet d'adresse. Prévenante et avenante. On ne la changera pas.

Reniflant doucement, l'égyptienne se baissa, et ôta ses ballerines. Elle les prit dans sa main, et laissa ses pieds s'enfoncer dans le sable, qui commençait à devenir froid. Elle frissonna. Ça recommençait. Le froid lui donnait froid. Où allait le monde ? Elle serra doucement les dents, laissant son corps s'habituer à la température en quelques pas. C'était difficile d'avoir un organisme différent des autres, je vous le garantis. Doucement, elle marchait. Ce soir-là, elle s'était habillée d'une manière dont elle ne s'était plus vue depuis longtemps. Une tenue qui lui rappelait ses origines. Une robe blanche, plus courte qu'à l'époque, ornée de dorures à certains endroits, coupée de manière cintrée au niveau du buste, décolletée, à manches longues et amples, évasée au fur et à mesure qu'on se rapprochait de ses jambes. Le vent s'engouffrait sous les pans de la robe, la faisant voleter autour d'elle. Un instant elle se prit à sourire, se mordant la lèvre pour ne pas rire. Heureusement qu'elle était seule. Sinon elle se serait empressée d'essayer de tenir sa robe en place. Tout en ayant l'air un peu stupide. Autour de ses poignets, suivant ses mouvements, s'agitaient de beaux bracelets dorés, et un joli collier d'or tombait sur son cou. Le tout donnait un résultat très... Égyptien. Et sublime également. Ce soir, elle n'avait pas joué les allumeuses du bar. Simplement elle-même. La demie-démone aux goûts simples pour les vêtements légers et agréables, qui lui rappelaient presque son époque. Doucement, le vent tomba. Zippora cligna des paupières, tandis que sa robe retombait doucement sur son corps fin pour laisser entrevoir sa silhouette et ses jolies formes. Elle remit une mèche de cheveux en place derrière son oreille et reprit sa promenade, un sourire aux lèvres. Elle se sentait bien. Et étrangement, elle avait un bon pressentiment.

Ce fut à cet instant que la jeune femme se sentit tout simplement projetée plusieurs siècles en arrière. Sans savoir pourquoi. Était-ce cette simple silhouette qu'elle apercevait au loin, qui lui donnait cette sensation ? Elle avait l'impression d'être retournée dans le passé. De revivre des heures bien à elle, étrangères à son comportement actuel. Elle ne se sentait plus comme celle qui devient humaine sous l'effet d'un mauvais sort ; davantage comme celle qui retrouve ses pouvoirs. La nostalgie l'envahissait progressivement, tandis qu'elle s'approchait de la silhouette, encore et encore. Elle connaissait cette personne. Cet homme. Il était debout au milieu d'une flaque de sang, mais ça, elle ne le remarquait même pas. Elle marchait vers lui, ses chaussures dans la main, l'esprit un peu ailleurs. Est-ce que c'était lui ? Est-ce qu'il la sentait comme elle l'avait senti ? Cette présence, cette prestance. C'était lui. Sans aucun doute. Mais pourquoi ? Que faisait-il ici ? Lentement, alors qu'elle était encore assez loin de l'homme, elle se prit à accélérer le pas. Son cœur battait rapidement. Elle voulait en avoir le cœur net. Et brusquement, elle ralentit. Il l'avait sentie. Bien entendu, elle n'en avait jamais douté. Si c'était lui, ce ne pouvait qu'être le cas. La voix du vampire s'éleva dans les airs, familière à ses oreilles. Et sans que Zippora ne puisse réfléchir ni contrôler quoique ce soit, un immense sourire illumina son visage. La nuit tombait doucement, mais elle ne s'en préoccupait pas. Elle n'était plus à Sunnydale. Elle était ailleurs. Avec l'homme qui se tenait devant elle. Le temps. Il parlait du temps. Le temps n'avait pas eu d'impact sur elle. Non... Et il n'en avait pas eu sur lui non plus. Le temps s'était effacé. Sur cette plage, il n'y avait plus qu'eux. Il n'y avait jamais eu qu'eux.

Reine. Il avait dit reine. Elle n'était pas sa reine. Il n'était pas né, au temps de l'Égypte Antique, lorsqu'elle aurait pu y être reine. Mais lorsqu'ils étaient amants, elle lui en avait bien entendu parlé. Comme pour de nombreuses autres choses. Le cœur de l'égyptienne battait à vive allure, tandis que son sourire à demi-effacé reflétait à la perfection l'hésitation quant au comportement à adopter. Doucement, elle murmura quelques mots, juste assez fort pour qu'il puisse l'entendre.

« Pourquoi aurait-il changé pour seulement l'un d'entre nous ? Le temps est toujours le même, tant que la mort n'a pas décidé de venir l'arrêter... »

Son coeur tambourinait dans sa poitrine. Elle était heureuse. Pourquoi était-elle heureuse ? Eux deux, c'était une histoire très ancienne. Il était sûrement marié désormais. Quoique. Ça n'en avait pas l'air.

« Alistair... »

Doucement, son prénom s'échappa des lèvres de la démone. Elle ignorait si on l'appelait toujours ainsi, mais c'était le souvenir qu'elle avait de lui. Son sourire revint tandis qu'elle franchissait les derniers mètres qui la séparaient de son ancien amant. Ses pieds se teintèrent de sang lorsqu'elle entra dans la zone de sable ternie par l'hémoglobine. Mais elle s'en fichait. Elle n'y prêtait pas attention. Parce qu'elle était de retour plusieurs siècles auparavant. Et que même si tout avait changé, que ce n'était plus et que ça ne serait jamais plus comme avant, elle avait ce souvenir. Cette pensée, bien encrée dans sa mémoire. Il lui avait manqué.

Fluide et souple, n'interrompant pas une seule fois ses gestes pour réfléchir, Zippora se glissa vers lui, et passa une main sur sa nuque. Puis, naturellement, elle se hissa sur la pointe des pieds, et déposa un long baiser sur ses lèvres. Comme si de rien était. À la manière d'un simple bonjour. Elle resserra sa prise sur sa nuque, lâchant ses chaussures pour libérer sa deuxième main, entourant le vampire de son bras nouvellement libre. Elle approfondit légèrement le baiser, avant de le rompre et de se reculer doucement, glissant une de ses mains dans une des siennes. Oui elle était désolée. Non, elle ne savait pas ce qui lui avait pris. Mais pour elle, tout allait bien. Elle lui souriait, avec sa bouille adorable et ses grands yeux pétillants de joie. Lui savait qu'au fond il y avait un être mauvais à ne pas réveiller. Il était peut-être un des seuls à le savoir, ici. Brusquement, une nouvelle bourrasque les happa. Mais Zippora s'en moquait. Ses yeux bien ancrés dans ceux de l'être millénaire qui avait partagé sa vie quelques temps, elle revivait une autre époque. Néanmoins, la politesse semblait manquer, au profit des pulsions incontrôlées.

« Bonsoir. »

Avec un grand sourire et un regard malicieux. Voilà qui est mieux.

Lorsque les lèvres de Zippora se détachèrent de celles de son ancien amant, elle ressentit quasiment immédiatement comme un manque. Et d’un autre côté, une satisfaction. Comme si cela faisait une éternité qu’elle avait voulu retrouver ce contact ; depuis leur dernière entrevue. Néanmoins, elle ne chercha pas instantanément à se pendre à nouveau à son cou pour recommencer à l’embrasser. Son geste avait été totalement irréfléchi et il n’était pas dit que le vampire souhaite encore une telle proximité entre eux aujourd’hui. Les choses avaient eu le temps de changer, en de si nombreux siècles, et il avait peut-être toutes sortes de raisons de ne plus vouloir de ses baisers ; une femme dans sa vie, ou une nouvelle amante favorite, ou tout simplement le dégoût des femmes. Elle avait ressenti une légère hésitation dans son baiser, avant qu’il se laisse finalement aller. Elle avait peur de l’avoir contraint, obligé, d’avoir été contre ses envies. Néanmoins, elle avait senti son bras autour de sa taille, ses doigts dans ses cheveux. Et c’étaient ces maigres détails qui l’avait confortée dans son geste, et qui lui avait donné envie d’en réclamer un peu plus. Pourtant, elle s’était reculée doucement. Et à peine avait-elle eu le temps de murmurer un bonsoir qu’il avait prononcé son prénom à mi-voix comme si… Comme s’il avait été étranger. Comme si Aleister ne savait plus qu’il s’appelait Aleister. Voilà qui était bien étrange. Amnésie ? Non, ça n’en avait pas l’air. Sinon, il ne se serait pas souvenu d’elle aussi facilement. Il l’avait appelée sa reine d’Egypte, ce qui n’était pas rien. Il y avait autre chose. Pourtant, le silence qui planait entre eux, simplement rompu par le va-et-vient continu et bruyant des vagues, la faisait douter. Avait-elle dit une bêtise ? Il souriait. Et bien, ça ça ressemblait à un scoop. Mais pas pour Zippora. Le sourire était mince, mais elle l’aimait. D’habitude, elle lui rendait en puissance dix, mais là, elle était trop inquiète de ce qu’elle avait dit pour lui sourire réellement en retour. Et puis, la voix du vampire s’éleva finalement, douce mais toujours aussi froide et distante. Froideur et distance auxquelles la démone ne prêtait plus attention depuis bien longtemps.

Alors, il s’expliqua. On ne l’appelait plus Aleister désormais. C’était du passé. Un passé qui semblait lointain. Mais elle ne l’avait pas revu depuis plusieurs très longs siècles, et elle avait raté ce changement. Doucement, elle laissa le prénom qu’il prononça résonner dans son esprit, se répercuter contre les parois de son crâne. Nikopol. Nikopol. Nikopol… Il prit le soin de lui ramener une mèche de cheveux noirs derrière une de ses petites oreilles, s’approchant au fur et à mesure. À nouveau, il murmura son prénom, pour qu’elle l’entende, et qu’elle l’assimile. Nikopol. Tendre, il baissa doucement son visage vers elle, effleurant ses lèvres avec calme. Elle ferma à demi les yeux, savourant doucement ce contact. Il n’avait pas eu l’air de détester leur baiser, en tout cas. Il semblait plutôt en redemander. Elle sourit à nouveau, n’esquissant pas un geste sous ce semblant de baiser. Doucement, elle murmura à son tour quelques mots, approuvant ce changement d’identité.

« C’est un bien joli nom. Qui te va à merveille. Nikopol… »

Cette fois, elle ferma les yeux, retournant lui voler un baiser. Oui, ce prénom lui allait à ravir. Et si c’était tout ce qui avait changé, même si elle doutait que ce soit réellement le cas, elle n’allait pas s’en plaindre. Embrassant avec tendresse sa lèvre supérieure, très légèrement joueuse, elle ne fit pourtant pas durer ce contact intime très longtemps, se reculant à nouveau en ouvrant les yeux, tandis qu’il reprenait la parole. Là, la réaction de Zippora fut instantanée ; un immense sourire lumineux et rayonnant barra son visage, alors même que les derniers rayons du soleil s’en allaient doucement par-delà la mer. Elle plongea ses yeux chaleureux et enthousiastes dans ceux plus froids et hypnotisants du vampire, lui répondant avec un brin de malice.

« Beaucoup de choses, en effet, j’ai pu le constater durant mon séjour dans cette ville… Pourtant, dans l’immédiat, je dois avouer que je ne m’attendais pas du tout à ce que tu paraisses avoir besoin de mon aide… Si c’est le cas. » Nouveau sourire. « Et si ça l’est, je serais ravie de t’aider. »

Elle inclina légèrement la tête sur le côté, glissant une main dans le dos du vampire, laissant les doigts de l’autre s’entremêler avec les siens. Et à nouveau, saisie par un désir brûlant au creux de son ventre, elle posa ses lèvres sur les siennes, furtive. Elle se recula presque aussi vite qu’elle était arrivée. Il ne fallait pas non plus en faire trop. Même si elle en mourrait d’envie. Mais où était-elle donc ? Que vivait-elle ? Que faisait-elle ? Plus aucune notion de temps, et tout juste d’espace. Elle se noyait dans le regard du vampire, comme autrefois. Plus de temps, plus de lieu, juste ses yeux et son esprit noir. Son sourire était retombé, tandis qu’elle se prenait à fouiller ses yeux, peut-être pour tenter d’y déceler un quelconque sentiment. Mais elle se reprit finalement, et s’écarta quelque peu. Caressant la paume du vampire du bout des doigts, elle finit par ressentir une étrange sensation au niveau des pieds, et baissa les yeux. Là, elle les écarquilla légèrement, avant de les relever brusquement vers Nikopol, un regard quelque peu maternel au fond des prunelles.

« Et bien, un véritable festin que tu nous as fait là. J’espère qu’ils étaient bons au moins. Tu aurais pu manger un peu plus proprement. »

Et le sourire farceur pour aller avec, tandis qu’elle laissait tomber son front sur sa clavicule. Elle soupira doucement, se rendant à peine compte de son état. N’importe quel autre vampire qu’elle aurait surpris à avoir commis un tel massacre, hormis peut-être Spike et Maxence, se serait fait botter le derrière sans une seconde de répit, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus s’asseoir pendant plusieurs mois. Mais là, elle l’en aurait presque féliciter. Comme à l’époque, où elle était elle-même loin d’être un exemple en repas propres et non sanglants. Mais aujourd’hui, c’était censé être différent. Censé. Elle était avec Nikopol. Et c’était comme si rien n’avait changé. Néanmoins…

« Je vais quand même aller me laver les pieds. Désolée, mais c’est pas super seyant comme couleur de peau éè. »

Relevant sa tête, elle déposa un baiser dans son cou, avant de lâcher son dos. Elle conserva cependant sa main dans la sienne, s’approchant des vagues qui revenaient sans cesse sur le sable rouge. En quelques pas, elle eut les pieds dans l’eau. Le sang qui s’était déposé sur sa peau s’évapora dans l’eau salée en petites volutes sombres, tandis qu’elle s’avançait encore un peu, entraînant Nikopol avec elle. Le vent caressait à nouveau son visage, tandis que la fraîcheur de l’eau commençait à se faire ressentir. Elle souriait toujours, pressant inconsciemment la main du vampire. Maintenant qu’il était là avec elle, elle n’avait plus envie de le laisser partir. Elle ne voulait plus qu’il s’en aille. Qu’il la laisse. Qu’il l’abandonne. Pourquoi ? Bonne question. Elle n’avait pas envie d’y penser. Elle savait juste ce qu’il en était dans les faits. Elle se tourna doucement vers lui, et lui sourit, toujours en avançant dans l’eau. Elle ne le tirait pas de trop, tendait plus son bras vers lui pour qu’il ne soit que moyennement obligé de se faire lécher les pieds par les vagues. Mais mine de rien, à moins qu’il ne réussisse à se défaire de sa solide étreinte, il ne pourrait éviter d’être mouillé. Egoïstement, Zippora s’en fichait totalement. Elle voulait partager ce moment avec lui, et s’il n’avait pas envie de se mouiller, c’était trop tard. Elle avait envie d’oublier les convenances, leurs origines, leur passé, leur présent, leurs problèmes, et tout ce qui aurait pu gâcher ce moment. Elle compressa encore un peu plus la main de Nikopol, le regardant droit dans les yeux.

« Je ferais sécher ton pantalon au sèche-cheveux si tu veux. »

Sourire taquin et rayonnant. Elle allait ouvrir la bouche pour parler à nouveau, quand elle sentit soudain l’absence de sable sous son pied, alors qu’elle s’appuyait précisément dessus pour continuer d’avancer. Elle poussa un cri bref, ne lâchant tout d’abord pas la main de Nikopol. Un trou d’eau. Elle qui jusqu’ici n’avait aucun vêtement de mouillé venait de tomber dans un trou d’eau, et de complètement perdre l’équilibre sous le coup de la surprise. Et la voilà trempée jusqu’aux os. Elle avait finalement lâché la main du vampire lorsqu’elle s’était sentie s’enfoncer dans l’eau, histoire de ne pas l’entraîner dans sa chute, et qu’il ait une chance de se retenir et de n’avoir de l’eau qu’aux chevilles, au maximum. Elle se redressa, reprenant une grande inspiration, et retrouva pied. Elle avait de l’eau jusqu’au début des cuisses, mais la différence avec la hauteur du sable quelques centimètres auparavant lui avait fait faire une superbe chute. L’élan, c’est nul. Elle se tourna vers le vampire, lui souriant. Les cheveux mouillés ramenés en arrière, ses vêtements blancs laissant désormais plus qu’entrevoir ses sous-vêtements et sa peau, elle était bien en phase à participer à un concours miss t-shirt mouillé. Sauf que ça ne la faisait absolument pas rire. Elle se sentait plutôt terriblement conne, avec sa robe à moitié transparente plaquée sur sa peau à cause de l’humidité.

« J’avais pas vu le trou, j’te promets. »

Elle lui servit un petit regard de chiot implorant, avant d’essorer un peu sa robe, en évitant au mieux de lui faire voir tous ses sous-vêtements. Ou comment se coller une honte incroyable pour des retrouvailles qui avaient bien commencées.

« Tu veux venir te baigner ? »

Petit coup d’œil malicieux. Tant qu’on y est, hein. Au pire, rien n’était obligé, elle pourrait simplement sortir de l’eau, et faire comme si de rien était. Aussi ridicule soit-elle. Mais si jamais il faisait mine de s’en aller parce qu’il allait honte, elle s’en voudrait toute sa vie, en plus de le détester. Allez. Faisons comme si elle n’avait pas l’air bête et candide, veux-tu ?

Zippora était littéralement sur une autre planète. Ou plutôt dans une autre époque. Une époque où ceux qu'elle connaissait et qu'elle chérissait n'existaient pas. Le temps où elle avait connu Nikopol. Elle s'amusait avec lui comme une enfant, alors qu'elle ne s'était jamais sentie aussi dangereuse ces derniers temps. Le vampire développait en elle cette agressivité et cette cruauté, habilement dissimulées sous sa gentillesse et son caractère pétillants. Pourtant, il ne faisait rien de particulier, et même rien de mal. Il se contentait d'être lui-même, peut-être moins froid avec elle qu'avec les autres, mais tout de même de glace. Mais elle avait toujours perçu ce côté menaçant et dangereux chez Nikopol, derrière sa distinction et sa classe, son éloquence et son allure. Le vampire était un prédateur. Qui cachait son jeu. Et il était le seul sur terre à faire redevenir à Zippora la démone qu'elle était avant. Un prédateur déguisé en caniche.

La remarque du jeune homme - ou pas, aha - la fit sourire, tout doucement. Un sourire espiègle mais rusé ponctué du regard dangereux de celle qui ne veut pas qu'on s'aventure trop profondément dans son passé. Elle avait oublié la douceur de l'eau du Nil sur sa peau, douceur d'autrefois. Elle sentait juste le va-et-vient des vagues sur son corps, l'eau léchant son dos, tandis qu'elle faisait face à son ancien amant. Il avançait en terrain miné, et bien qu'elle lui souhaitait fort de faire demi tour, elle ne lui en voulait pas. Pour lui, elle aurait déminé la terre entière.

« C'était agréable. Mais tout comme aujourd'hui, une femme un peu trop dénudée attirait les regards, et je n'avais pas pour habitude de prendre mes bains habillée. Des têtes sautaient très régulièrement, mais rien de très incommodant pour la population. »

Et le petit haussement d'épaules je-m'en-foutiste. Oui, Zippora se baignait nue dans le Nil. Et oui, elle avait arraché la tête de tous ceux qui avaient osé la regarder d'un peu trop près, à l'époque. Et elle n'était absolument pas perturbée de dire ça au beau brun. Après tout, elle n'avait rien à cacher. Il était bien le seul avec qui elle parlait naturellement de ses massacres, laissant percevoir le danger qu'elle représentait.

Durant sa tirade, le vampire avait enlevé sa chemise. Ne se privant pas le moins du monde de le regarder de haut en bas, la femme de diamant ne put empêcher son sourire de s'élargir davantage. Il allait venir se baigner sans même qu'elle ne soit obligée de le pousser. Respect. Néanmoins, le regard de la jeune femme restait captivé par les innombrables tatouages du vampire. C'était elle qui avait donné le flux magique de base. Et voilà ce qu'il en avait fait. Fascinée et intriguée, elle n'avait qu'une envie ; toucher. Mais elle se retenait. Ou peut-être était-ce le tatouage étrange représentant un visage, qui la retenait. Les yeux de celui-ci semblaient rivés sur elle, à tel point qu'elle ne parvenait pas à s'en détacher. Une sensation de froid se fit en elle, tandis qu'un frisson lui glaçait l'échine. Elle se sentait observée, comme nue sous ce regard. Et cela la mettait sur la défensive. La gêne repartit pourtant aussi vite qu'elle était arrivée, lorsque le tatouage s'enfonça dans l'eau en même temps que Nikopol. Le sourire de la jeune femme revint, tandis qu'elle restait debout dans l'eau, les pans de sa robe remontés à la surface et flottant autour d'elle. Heureusement, l'eau était trop foncée pour que le vampire ne joue les voyeurs en-dessous. Bon, nous tairons la parfaite association du blanc et de l'eau en ce qui concerne la visibilité des sous-vêtements. À vrai dire, elle s'en foutait. Elle le regardait évoluer, paisible, et l'écoutait en même temps. Habillée ou pas, avec lui, elle était comme nue. C'était peut-être pour cette raison qu'elle prêtait si peu d'attention à sa tenue. Non. Elle se contentait de l'écouter, son éternel sourire aux lèvres.

« Et non, hélas, je ne suis pas venue pour la charmante chasseuse de démons. » Petit rire, tandis qu'elle remit une mèche de cheveux mouillés derrière son oreille. « Ni pour les apocalypses, d'ailleurs. »

Elle se renfrogna très légèrement. Nikopol ignorait tout de sa malédiction, apparemment. Il savait qu'elle venait d'Egypte, mais pas ce que les égyptiens l'avaient condamnée à être. Elle soupira doucement.

« Je suis venue pour chercher un moyen de conjurer la malédiction qui pèse sur mes épaules. Je commence à en avoir plein la tête de tout ça éè. »

Voilà, s'il ignorait encore qu'elle était maudite, c'était terminé. Doucement, elle le laissa se remettre debout et s'approcher d'elle avec lenteur. Son sourire revint tandis qu'il la taquinait. 

« À vrai dire j'ignorais même que tu étais dans la région... Sinon tu te doutes que je t'aurais retrouvé plus tôt, non ? »

Elle lui servit un sourire splendide tandis qu'il se rapprochait encore. Bientôt, il fut collé contre elle. Et une vague les recouvrir soudain, arrachant un léger cri à Zippora. Elle la laissa retomber, et explosa de rire face à la bouille de son vampire. Lui qui quelques secondes auparavant affichait un air si sérieux et menaçant, il paraissait désormais totalement inoffensif et même ridicule. Rigolant toujours, elle se mit à lui ramener doucement ses mèches en arrière du bout de ses doigts fins, libérant son visage.

« Désolée, ta crinière empiétait sur tes traits fins et agréables. » Lentement, malicieuse, elle déposa un baiser sur le bout de ses lèvres, comme un geste naturel et habituel. « Tu ne t'es pas noyé, ça va ? »

Façon de parler, bien évidemment, et elle rigolait en même temps. Nikopol était un vampire, il ne risquait pas de se noyer de la sorte. Ni même de se noyer tout court. Lentement, la jeune femme laissa ses doigts glisser sur le torse de son ancien amant, caressant sa peau avec une douceur incroyable.

« Tous ces tatouages... » Elle s'arrêta à côté de la fameuse tête qui semblait l'observer, mal à l'aise. Mais elle détourna rapidement le regard, plongeant à nouveau ses prunelles dans celles de Nikopol. « J'ai toujours trouvé les tatouages sexy, il ne faut pas s'étonner de mon orientation professionnelle. »

Elle se refusait de parler de la tête qui l'intriguait tant. Il avait le droit à ses secrets. Doucement, elle approcha ses lèvres des siennes, à nouveau, hésitante cependant. Elle aurait aimé l'embrasser encore, savourer ce goût qu'elle avait recherché pendant des siècles durant et qu'elle retrouvait seulement. Elle avait pourtant peur qu'il en ait marre, qu'il n'aime plus autant ses baisers qu'avant. Qu'il n'en veuille simplement pas. Et elle ne voulait pas se faire repousser. Non. Certainement pas. Cependant, alors que le bout de ses lèvres effleurait tout juste celles de Nikopol, une nouvelle vague se déchaina sur eux, plus puissante. Zippora fut contrainte de faire un pas en arrière. Mais elle était trop près du bord du trou d'eau. Et puisque dans son cas une maladresse n'arrivait jamais seule, elle glissa en arrière. Sauf qu'elle s'était au préalable bien accrochée à Nikopol, et heureusement. Elle se colla contre lui, évitant de se noyer à nouveau. Le pauvre allait finir par se croire bouée de sauvetage. Agrippée à son torse, elle ne le lâchait plus. Elle oubliait complètement les vêtements dont elle était pourvue, et ceux du jeune homme également. À nouveau, elle glissa une main sur sa nuque, et s'empara de ses lèvres. Pourquoi diable faisait-elle cela ? Elle n'en savait rien, mais elle se sentait bien. Dévorant ses lèvres en un baiser langoureux et fougueux, elle ne le lâchait plus, caressant son torse de sa main libre. Elle était au bord de se laisser tomber, d'aller s'allonger dans le sable et de l'entraîner dans sa chute pour mieux l'embrasser. Mais sûrement avait-il autre chose à faire de sa soirée. Doucement, après un baiser qui lui parut durer quelques longues minutes, elle se décolla légèrement, gardant cependant une proximité certaine entre leurs deux visages.

« J'espère que je ne vais pas te mettre en retard pour une apocalypse, ou un rendez-vous avec une charmante jeune femme... »

Vorace. Dangereuse. Elle le laisserait pourtant partir s'il le désirait, mais elle avait bien plus envie de l'embrasser et de se coller contre lui qu'autre chose. Et d'ailleurs, elle l'embrassa à nouveau. Sensuelle. Désirable. Désireuse. Puis elle se décolla, et plongea son regard malicieux mais malveillant dans le sien.

« Dans le cas contraire... Ça attendra un peu. On a trop de choses à se raconter. »

Et à se souvenir. Ensemble.

Zippora délirait. Mais ça ne la dérangeait pas. Elle se sentait un peu plus sûre et en sécurité, là, avec ce sorcier aux multiples tatouages. Et même si personne ne peut rattraper le temps perdu, c'est toujours permis d'essayer. Et en l'occurrence, ce soir, elle mourrait d'envie d'essayer. Il lui avait tellement manqué.